Choosing A Stack

Quel chapelet choisir ?


Une nouvelle année commence, c’est l’heure des bonnes résolutions, et vous vous dites : « Tiens, et si j’apprenais un chapelet ? ». Oui, mais voilà, avec tous ces chapelets disponibles dans la littérature magique, lequel choisir ? Il y a plusieurs écueils à éviter dans votre choix du chapelet, et je vais tenter de vous donner quelques pistes, en me basant sur mon expérience et sur les commentaires que j’entends souvent sur le sujet.

Quand vous vous décidez à choisir un chapelet, vous pouvez emprunter 3 directions différentes. Vous pouvez prendre un jeu de cartes, le mélanger et en mémoriser l’ordre ; ou vous pouvez choisir l’un des chapelets existants déjà ; ou vous pouvez créer votre propre chapelet. Voyons ce qui se passe dans ces trois situations.


Apprendre un jeu mélangé

J’ai déjà rencontré quelques personnes qui m’ont dit avoir pris un jeu de cartes, l’avoir mélangé puis mémorisé, et que cela leur sert de chapelet. Quel dommage.

Quel dommage, car bien que la personne ait fait l’effort de mémoriser un jeu, elle aurait pu mémoriser un jeu qui a un contenu prédéterminé et intéressant (par exemple, le jeu pourrait contenir des routines de poker ou d’épellations, ou permettre de revenir à l’ordre d’un jeu neuf). Au lieu de ça, la personne a mémorisé un ordre « vide ». La plupart du temps, les gens qui ont mémorisé un jeu mélangé n’utilisent leur chapelet que pour des effets de base où, en regardant une carte, vous en déduisez la suivante ou la précédente. Malheureusement pour eux, cette fonction peut souvent être remplacée par un jeu marqué ou par l’utilisation de carte à l’oeil.



L’intérêt d’un chapelet réside dans le nombre et la variété des effets qu’il contient ; il est donc dommage de mélanger un jeu sans se soucier de son ordre et de son contenu. Quitte à apprendre un jeu par coeur, autant qu’il regorge de possibilités.


Choisir un chapelet existant

C’est la route empruntée par la majorité des gens, et c’est une route excellente, car en choisissant un chapelet qui existe déjà, vous bénéficiez de l’expérience de son créateur et de tous les magiciens qui l’utilisent. Reste à savoir quel chapelet choisir : Mnemonica, Aronson, Brainstorm, Si Stebbins, 8 Kings, Osterlind, Joyal, jeu mémorisé de Boris Wild, Nikola, chapelet de Claude Rix, Raymond, Mimosa, Doug Dyment, Bart Hartling... Le choix ne manque pas, alors comment s’y retrouver ? On peut classer les chapelets existants en plusieurs catégories : Chapelets à Calcul, Chapelets à Mnémotechnie, Chapelets Mémorisés. Voyons les caractéristiques de chaque catégorie.


Chapelets à Calcul (Si Stebbins, Osterlind, Boris Wild’s memorized deck, Bart Hartling)

Dans ce type de chapelet, l’ordre du jeu est régi par une formule mathématique. Dans le Si Stebbins, on doit ajouter 3 à la valeur et passer à la famille suivante ; dans Osterlind, on doit réaliser un calcul farfelu ; dans le jeu mémorisé de Boris Wild, on peut calculer la position d’une carte dans le jeu et vice versa, à l’aide d’une formule mathématique ; idem pour le chapelet Bart Hartling.


Outre le fait que la plupart des gens sont mauvais en calcul mental (qui plus est avec la pression et la nervosité d’une prestation), je ne pense pas que cette approche soit la bonne. Évidemment, on vous promet que ce sera facile, qu’il n’y aura rien à mémoriser, que le calcul s’occupe de tout...

En vérité, voici ce qui va se passer : vous allez apprendre à utiliser la formule, et pendant les premières semaines d’utilisation, c’est la formule qui va vous renseigner sur l’ordre du chapelet. Mais  à force d’utilisation, vous en oublierez la formule et ne retiendrez que le chapelet.


C’est un peu comme commencer à apprendre le vélo avec des petites roulettes pour éviter de tomber. Et quand vous êtes suffisamment en confiance, vous vous rendez compte que vous n’avez plus besoin des roulettes. Alors vous les enlevez, n’est-ce pas ? Pas dans le cas d’un chapelet à calcul, et c’est là le piège. Avec un chapelet à calcul, on vous oblige à garder les roulettes, et faire du vélo va devenir un cauchemar. Pourquoi ?


Parce qu’ un jeu de cartes est un espace limité à 52 cartes. Imaginons que vous utilisiez cet espace pour installer une formule mathématique facilitant l’apprentissage. Après la phase d’apprentissage, quand vous connaissez le chapelet sans utiliser la formule, l’espace de 52 cartes est toujours occupé par cette formule inutile. Vous pourriez utiliser cet espace pour installer des routines intéressantes demandant un ordre particulier ; dommage pour vous, c'est trop tard, l’espace est déjà pris par une formule maintenant inutile.

En résumé, bien que la tentation de la facilité vous attire vers un chapelet à calcul, évitez ce choix, vous n’obtiendrez qu’un chapelet vous permettant peu de routines intéressantes.


Chapelets à Mnémotechnie (Brainstorm, 8 Kings, Joyal)
Dans ce type de chapelet, l’ordre est régi par une astuce mnémotechnique. Dans le Brainstorm et le 8 Kings, vous mémorisez une phrase dont les syllabes correspondent aux valeurs des cartes de l’as au roi ; par exemple, la phrase du 8 Kings (en anglais, Eight kings threatened to save, nine fine ladies for one sick knave) correspond à l’ordre 8 Roi 3 10 2 7 9 5 Dame 4 As 6 Valet. Cette phrase est répétée 4 fois pour créer un chapelet de 52 cartes, et une règle est appliquée à la distribution des familles pour simuler le hasard. Dans le Joyal, une série de règles régit le jeu, vous permettant de faciliter la mémorisation.

Bien que les chapelets à mnémotechnie semblent différents des chapelets à calculs, ils ont les mêmes problèmes. Encore une fois, on vous propose une solution « miracle » pour vous aider à mémoriser un chapelet, et quand vous l’aurez (vraiment) mémorisé, la mnémotechnie devient inutile, mais reste présente ; comme avec le calcul, la mnémotechnie bloque l’espace du jeu et vous empêche d’y intégrer des routines intéressantes. Je vous conseille donc d’éviter l’option des chapelets à mnémotechnie.


Chapelets Mémorisés (Mnemonica, Aronson, Claude Rix)
Ces chapelets sont des ordres de jeu construits et réfléchis pour permettre de réaliser telle ou telle routine. Il n’y a pas de calcul, mnémotechnie ou raccourci pour faciliter la mémorisation ; toute l’attention a été apportée au contenu et aux effets. Si ces chapelets sont intelligemment construits, comment se décider sur l’un plutôt que sur l’autre ?

C’est là qu’entre en compte un nouveau paramètre permettant de préférer un chapelet mémorisé plutôt qu’un autre, un paramètre que l’on pourrait appeler QVQ :

Qualité
Variété
Quantité

Un bon chapelet, c’est un chapelet qui vous offre des routines de qualité, variées (différents types d’effets) et en quantité. L’aspect qualitatif se comprend facilement, personne ne veut faire des routines qui sont mauvaises ou mal pensées. Pour la variété, c’est pareil ; il n’est pas intéressant de connaître 50 effets s’ils semblent identiques aux spectateurs. Quant à la quantité, dites-vous que faire l’effort de mémoriser un jeu de cartes complet devrait être récompensé par la possibilité de faire au moins une dizaine de routines intéressantes (apprendre un chapelet pour ne faire qu’un ou deux effets serait vraiment peu efficace).

Comment s’assurer de choisir un chapelet qui vous offre ces trois aspects de qualité, variété et quantité ? C’est facile, choisissez un chapelet qui bénéficie d’une littérature étendue, variée, et signée par des gens qui savent de quoi ils parlent.

Par exemple, le chapelet Mnemonica a été conçu par Juan Tamariz, considéré à juste titre comme une légende vivante du close-up classique, et il a raffiné son utilisation pendant des décennies ; en plus de ça, son chapelet est utilisé par certains des meilleurs cartomanes du monde ; tout cela vous donne une garantie de qualité. Juan Tamariz a écrit un livre, Mnemonica

, de plus de 500 pages décrivant des dizaines d’effets, et comme d’autres ont utilisé son chapelet depuis des années, ils ont eux aussi développé des dizaines d’idées et routines avec ce chapelet (par exemple, les routines que je décris dans mon livre Amnesia) ; tout cela vous donne une garantie de quantité. Enfin, dans le livre de Juan Tamariz, comme dans les routines développées par d’autres de façon indépendante, vous trouverez des routines de tricherie, de Sam the Bellhop, d’épellation, de mentalisme, d’effets visuels facilités et bien plus encore ; tout cela vous donne une garantie de variété.


Qualité, Variété, Quantité.

Mais alors que dire d'Aronson et de Rix ? Simon Aronson a également beaucoup publié sur son chapelet, lequel est très répandu parmi les grands cartomanes anglo-saxons (dont Michael Close, et Michael Vincent). Malheureusement pour les lecteurs français, le seul livre en français dédié à la magie de chapelet de Simon Aronson ne décrit pas le chapelet lui-même, car toutes les routines sont « non spécifiques » et fonctionnent avec n’importe quel chapelet. Si vous lisez l’anglais, procurez-vous Bound To Please, qui réunit trois livres écrits par Simon et décrivant une multitude de routines spécifiques à son chapelet. Un autre souci avec la magie de Simon Aronson est que ses routines ont tendance à détruire partiellement ou complètement l’ordre du chapelet pendant l’effet, ce qui ne vous aide pas à conserver le chapelet intact pour plusieurs routines. Enfin, la majorité de la littérature disponible sur le sujet du chapelet Aronson a été écrite par Simon lui-même, ce qui ne favorise pas la variété des sujets abordés (contrairement au livre de Juan Tamariz, qui contient beaucoup de routines imaginées par d’autres utilisateurs de son chapelet) ; Michael Close a néanmoins dédié un chapitre de son livre Workers 5 (en anglais) au chapelet Aronson.
Le chapelet de Claude Rix souffre un peu des mêmes choses, dans le sens où le livre de Claude Rix décrit relativement peu de routines, et qu’elles sont toutes signées par son créateur.
Cela dit, Simon Aronson et Claude Rix sont tous les deux des experts du chapelet et leurs ouvrages sont une lecture indispensable pour tout étudiant d’un chapelet, quel qu’il soit.


Créer son propre chapelet

Il reste à étudier une dernière possibilité dans votre choix d’un chapelet, et c’est l’option de créer votre propre chapelet. Bien que cette solution soit tentante (vous aurez la fierté d’avoir créé votre propre outil), c’est une quête difficile, à cause des diverses raisons évoquées précédemment.

Vous savez maintenant qu’un « bon » chapelet ne repose pas sur des calculs mathématiques ou des systèmes mnémotechniques censés faciliter la mémorisation ; un « bon » chapelet est un chapelet suivant le principe QVQ. Vous allez devoir réfléchir longuement au répertoire que vous souhaitez intégrer dans votre chapelet, puis faire votre possible pour créer un ordre qui réponde à vos exigences, ce qui est moins facile que ce que l’on croit.

Il faudra ensuite passer beaucoup de temps (à l’instar de Juan Tamariz, des dizaines d’années) à étudier le contenu de votre chapelet pour voir s’il ne contient pas d’autres merveilles cachées, en faisant attention à avoir une certaine variété dans les effets disponibles.



Conclusion
J’espère vraiment que cette réflexion vous aidera dans votre choix d’un chapelet. C’est une arme redoutable qui transformera profondément votre magie et qui vous permettra de tromper mêmes les publics les plus avertis.

Maintenant que vous avez choisi votre chapelet, il ne vous reste plus qu'à le mémoriser avec l' une des méthodes proposées ici.

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