Pourquoi utiliser un chapelet ?
Vous avez entendu parler du principe du chapelet ou du jeu mémorisé, et vous vous demandez peut-être si cela vaut le coup de se lancer dans cette aventure. Pourquoi utiliser un chapelet ? Pourquoi ne pas en utiliser ? Qu’est-ce que cet outil apportera à votre magie ?
Toutes les excuses sont bonnes pour ne rien faire
Commençons par les idées reçues (fausses) sur le sujet, et les mauvaises raisons de se lancer dans l’apprentissage d’un chapelet.J’entends parfois les gens dire qu’ils ne veulent pas utiliser un jeu mémorisé, parce que :
« On ne peut pas mélanger le jeu. »
Ce qui compte en magie, ce n’est pas ce qu’on fait, mais ce qu’on donne l’impression de faire. Et là, vous avez plusieurs solutions.
Premièrement, vous pouvez évidemment faire un faux mélange ; que ce soit un faux mélange Charlier (facile et terriblement efficace) ou l’excellent Truffle Shuffle de Derek Del Gaudio, le public sera convaincu que l’ordre n’a pas d’importance. Deuxièmement, vous pouvez choisir de ne pas mélanger, mais de présenter des routines qui donnent l’impression que l’ordre des cartes est dérangé ; c’est souvent le cas des routines d’épellation, de tricherie, et de beaucoup d’autres ; donner l’impression que le jeu est mélangé est aussi efficace que de dire « Regardez, je mélange ! ». Troisièmement, et c’est l’une des approches que j’utilise beaucoup, vous pouvez utiliser les faros ; ces mélanges systématiques ont un résultat prévisible, et il est tout à fait possible de présenter un effet, puis de faire deux faros, et de présenter un nouvel effet disponible avec le nouvel ordre obtenu. Quatrièmement, vous pouvez adopter l’approche explorée entre autres par le génial Arnaud Chevrier (Twins sur Internet) ; certaines de ses routines détruisent partiellement ou totalement le chapelet, mais les routines suivantes reconstruisent secrètement le chapelet. Cinquièmement, vous pouvez choisir la piste du chapelet partiel, une idée utilisée entre autres par Juan Tamariz et René Lavand ; certaines sections plus ou moins grandes du chapelet sont vraiment mélangées, mais les routines présentées utilisent les sections intactes.
Il n’y a pas de problème, il n’y a que des solutions.
« Bon d’accord, mais si le spectateur demande à mélanger ? »
Si vous utilisez l’une des solutions précédentes, et que votre attitude est détendue et n’encourage pas les défis, le public devrait être suffisamment convaincu et ne pas ressentir le besoin de mélanger lui-même.
Cela dit, si un spectateur demande quand même à mélanger, un coup de hache dans sa nuque devrait lui faire passer l’envie. Autre solution : laissez-le mélanger. Tant pis, vous lui présenterez d’autres effets, tout aussi bons, sans chapelet.
Enfin, vous pouvez aussi échanger secrètement le jeu qu’il vient de mélanger contre un jeu en chapelet. Il existe plusieurs méthodes pour ça, dont celle de John B Born dont j’ai déjà parlé ici.
« Je n’aime pas le chapelet, les effets ne sont ni commerciaux ni divertissants. »
Si vous n’êtes pas doué et divertissant, le chapelet n’y est pour rien. Regardez Juan Tamariz divertir toute une salle avec un chapelet et vous changerez d’avis.
« Je n’aime pas le chapelet, il faut une table, les procédures sont longues, etc. »
Depuis 2004, le chapelet fait partie de mon répertoire professionnel de magie en déambulatoire. Je ne pose rien jamais sur la table (en cocktail, il n’y a même pas de table !). Dans ces conditions, je présente des effets rapides et percutants, basés sur le chapelet.
C’est vrai que certains effets magiques tiennent plus du défi intellectuel que du divertissement, mais à vous de choisir la routine qui convient le mieux aux conditions.
« Je ne peux pas utiliser de chapelet, je n’ai pas une bonne mémoire, et je n’aime pas les mathématiques. »
Certains chapelets basent leur séquence sur une formule mathématique, et vous avez raison d’éviter ce genre de système, pour les raisons que j’explique dans cet autre article. Cela dit, la plupart des routines ne demandent aucun calcul de votre part, car le chapelet aide invisiblement, par le simple fait d’être dans le bon ordre. Cela résout aussi votre souci de mémoire : beaucoup de routines ne nécessitent pas de connaître le chapelet, mais simplement de l’avoir en main, car l’ordre s’occupera de produire le bon résultat.
À côté de ces préjugés sur le chapelet, certains magiciens se lancent parfois dans le chapelet pour de « mauvaises raisons », et finissent donc par laisser tomber.
Par exemple, à quelques exceptions près, n’utilisez pas un chapelet pour connaître une carte choisie ; une carte à l’oeil ou un jeu marqué feront aussi bien l’affaire. Il n’est pas non plus très logique d’utiliser un chapelet pour ne faire qu’un ou deux effets ; la force du chapelet réside dans la multitude de routines qu’il vous offre, et faire l’effort d’apprendre un jeu par coeur pour ajouter une seule routine à votre répertoire me semble peu économe.
Quelles sont les bonnes raisons de se mettre au chapelet ?
Avant même de voir quelques-unes de ces bonnes raisons, regardez ces magiciens :(Annemann, Aragon, Aronson, Baker, Berglas,
Chelman, Del Gaudio, Elmsley, Giobbi, Green,
Hofzinser, Robert-Houdin, Jay, Lavand, Marlo,
Tamariz, Vernon, Vincent, Weber, Wild.)
Malgré leur différence de style, d’utilisation, voire même d’époque, tous ces artistes se sont intéressés au chapelet et ont intégré cette arme à leur arsenal. Ce simple fait devrait suffire à vous convaincre qu’il est temps de rejoindre le groupe.
Si vous hésitez encore, voici quelques bonnes raisons de vous lancer.
L’index
Un chapelet est un index de cartes, dans le sens où vous avez un accès instantané à n’importe quelle carte dans le jeu (avec un jeu mélangé, ce serait difficile, voire impossible). En plus de ça, un chapelet est un index d’effets. Quand vous avez un chapelet en main, une multitude d’effets vous sont accessibles instantanément !
« Un Anneau pour les amener tous et dans les ténèbres les lier. »
Prenons trois effets très différents, mais très divertissants : une démonstration de tricherie (poker ou autres), l’effet « Shuffled Bored» de Simon Aronson (décrit en français dans son livre The Very Best Of Simon Aronson, page 192), et l’effet « Tut Tut » de Michael Close (décrit dans son livre Workers 5). Chacun de ces effets nécessite un ordre très spécifique pour fonctionner. Si vous n’utilisez pas de chapelet, il vous faut prendre trois jeux, arranger un jeu par effet, et changer trois fois de jeu. Avec un chapelet, non seulement chacun de ses effets est faisable avec le même ordre, mais en plus beaucoup d’autres routines sont également disponibles, et comble du luxe, c’est à vous de décider dans quel ordre enchaîner les effets pour obtenir la séquence la plus divertissante et impressionnante !
Un niveau au-dessus
Michael Close dit que grâce au chapelet, les effets de carte choisie deviennent des effets de carte pensée. Retrouver une carte choisie par le spectateur est très fort, mais cela devient un miracle si vous retrouvez une carte que le spectateur a seulement nommée et pensée. Sans le moindre effort supplémentaire !
Des cartes, mais pas que ça.
Enfin, le chapelet est un principe qui ne se limite pas à la cartomagie. C’est une structure mentale que vous pourrez transposer à d’autres effets sans cartes, par exemple, pour la démonstration classique de mémoire prodigieuse avec une liste de mots choisis par le public (ici, le chapelet peut vous servir de table de rappel). Dans mon cas, j’ai transposé la structure du chapelet pour créer mon effet Pages Blanches, où je montre que j’ai mémorisé 2000 numéros de téléphone, ou encore mon effet Pi.
Dieu te le rendra au centuple.
En général, chaque nouvelle routine vous demande l’apprentissage d’une nouvelle aptitude ; c’est faisable, mais pas très économe. Avec un chapelet, vous faites l’effort d’apprendre 1 aptitude (le chapelet) pour la décliner en 100 taches (routines). C’est beaucoup plus efficace.